"Des vies de Jésus ou essais, souvent publiés par des catholiques, le dépouillent de ses miracles et des ses paroles même, attribuées à la créativité rêveuse ou géniale des communautés chrétiennes. Elles auraient fait du Jésus de l'histoire, un banal charpentier de village, le Christ de la foi. "L'homme qui devient Dieu" ne serait "rien qu'un homme", comme chantait Marie-Madeleine dans Jésus superstar.
À voir le ressuscité de Pâques ainsi réduit à l'état de cadavre ou d'ectoplasme, sinon caricaturé en paumé, ou révolutionnaire, et pourquoi pas marié, on se demande […]comment il y a plus d'un milliard et demi de chrétiens sur la planète. On se demande surtout comment le Christ redonne encore sens et fécondité à la vie de tant d'hommes : des centaines de milliers de convertis qui retrouvent, au-delà d'une vie animale ou anxieuse, le bonheur et la vraie vie de Dieu. Alors, pourquoi cet acharnement à l'éliminer ? Et pourquoi ces livres qui le réduisent à rien sont-ils des best-sellers ?1"
Un vrai "coup de gueule" ! Non pas à l'égard de ceux et celles qui n'arrivent pas à croire : ils sont infiniment respectables et respectés par le Christ. Mais à l'égard des croyants qui pensent servir la foi en la réduisant à l'intellectuellement supportable. Comme si Dieu n'avait plus rien à révéler de son mystère. Comme s'il n'avait pas le droit d'être lui-même et de nous surprendre dans ce que nous croyons savoir de la vie et de la mort, de nous rendre éberlués devant la majesté de son amour. Cette majesté que nous voyons dans la perfection de l'amour que garde son fils dans sa Passion, mais aussi dans la perfection de l'amour qu'a son Père en ressuscitant "le troisième jour". On se souvient du titre choc d'un livre de Clavel : "Dieu est Dieu, nom de Dieu !". Comme je comprends cette insurrection.
Avec les apôtres et l'Église, je crois en la Bonne Nouvelle qui change tout : "Christ est ressuscité." Dans la foi lumineuse ou dans la foi obscure, il est pour moi l'Unique en qui je vois toute la beauté possible de l'homme et de Dieu. Enfin le vraiment Dieu qu'on peut aimer parce qu'il ne fait pas peur, qu'il relève, pardonne et patiente mieux que le meilleur des pères ; c'est ainsi que le Christ révèle Dieu quand nous voulons bien l'écouter tel qu'il le donne et non tel que nous le fabriquons. Un Dieu comme cela ne s'invente pas. Il est bien le "Tout Autre", à l'envers de nos représentations grossières ou maladroites. Voilà de quoi le choisir pour qu'Il nous donne de vivre notre vie de chaque jour, ses réussites et ses échecs, avec un autre Esprit : le sien !
C'est ma foi depuis toujours, je crois pouvoir le dire sincèrement. C'est la foi de l'Église et des baptisés. Celle que j'essaie de servir comme prêtre et comme évêque. Comme prêtre parce que je l'ai désiré. Comme évêque parce que je l'ai accepté. Sans la foi en sa résurrection, le Christ ne mérite pas qu'on le préfère à la femme et aux enfants qu'on aurait pu avoir. Avec la foi, il est à jamais pour tous les baptisés le Fils de Dieu et le Frère des hommes à qui l'on peut dire en vérité : "Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle !" (Évangile selon Jean 6, 68). Ou aux heures de faiblesse : "Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t'aime" (Évangile selon Jean 21, 17).
X François Garnier
Archevêque de Cambrai
(1) René Laurentin, Le Figaro, 8 avril 1996.