Ce document est le fruit d’une longue réflexion commune
. Avec le conseil presbytéral
. Avec le conseil pastoral diocésain
. Avec le service diocésain de pastorale liturgique et sacramentaire
. Avec le service diocésain de Pastorale Familiale
. Avec les doyens et les curés.
Je demande qu’il soit lu attentivement et mis en œuvre avec soin par tous ceux et celles qui accueillent la demande de prière que leur adressent les personnes divorcées à l’occasion de leur remariage civil. Afin que les orientations et objectifs qu’il donne deviennent vraiment nos orientations communes et nos objectifs communs.
Une évaluation diocésaine sera faite dans trois ans.
Fait à Cambrai, le 5 avril 2003
@ François GARNIER
Archevêque de Cambrai
Quoi faire avec charité et vérité ?
1. Accueillir et établir une relation de confiance.
11. Nous devons évidemment accueillir et bien accueillir ceux et celles qui viennent nous rencontrer. Une personne divorcée, quelles qu’aient pu être les raisons de son divorce civil et sa part de responsabilités, a vécu une expérience dure dont elle demeure blessée et dont elle ne veut (ne peut) pas toujours parler. Très souvent, ce sont des paroissiens bénévoles qui vivront ce premier contact. Une formation minimale à l’art de l'écoute et de la rencontre est nécessaire pour que puisse s'établir une relation de confiance.
12. Nous devons respecter leur nouveau projet de couple. Un couple qu’ils veulent d’autant mieux réussir qu’ils ont connu l’échec.
13. Nous devons entendre la demande, même ambiguë, qu’ils adressent à notre Église. Elle est souvent maladroite ; ils se sentent coupables ; ils savent le plus souvent qu’ils ne peuvent pas se marier devant l’Église ; si l’un des deux n’a jamais été marié, il peut vivre cette impossibilité comme une injustice. Ils souhaitent « passer à l’église » « un temps de prière », « une bénédiction ». Dans ce qu’ils vivent, avec souvent plus de maturité qu’à l’heure de leur premier mariage, ils veulent donner sa place à Dieu.
14. Peut-être ne savent-ils pas qu’il y a une justice d’Église. Peut-être ont-ils réellement droit à une déclaration de nullité. Nous avons le devoir, en conscience, de savoir leur en parler.
2. Discerner.
21. Nous ne pouvons pas faire comme si le sacrement de mariage n’avait pas été célébré. C’est de son Seigneur que l’Église reçoit les sacrements qu’elle célèbre. Elle n’en fait pas ce qu’elle veut. Elle les accueille et les vit comme des dons reçus de son Dieu pour la mission qu’il nous confie, pour la réussir grâce à Lui.
22. Nous ne pouvons pas faire comme si le passé conjugal et familial n’existait plus. Sans paraître en faire un « examen de passage », mais dans l’esprit de mieux connaître le nouveau couple et d’établir des liens avec lui, on s’efforcera d’instaurer un dialogue. On cherchera à voir si un apaisement s’est établi après les tensions du divorce, quelles sont les relations avec le ou les anciens conjoints et les enfants, et s’il ne demeure pas d’agressivité envers l’Église ; les chrétiens qui les connaissent pourraient utilement nous conseiller.Si le climat paraît favorable et si le nouveau couple semble établi sur des bases solides, on peut accepter de répondre à sa demande d'une prière, surtout si elle est le point de départ (ou re-départ) d’une vie chrétienne.
23. Nous ne pouvons pas faire comme si la prière demandée à l’Église n’avait aucun effet sur les autres. Avec la multiplication des divorces, c’est toute l’institution du mariage et de la famille qui est fragilisée. Pour de nombreux époux, la fidélité n’est pas sans épreuve. L’Église, par les actes qu’elle pose et la prière qu’elle organise avec les divorcés qui se remarient, se doit de soutenir ceux qui vivent la fidélité dans leur mariage. Une prière trop festive à l’occasion d’un remariage civil ne convient pas, nous le « sentons » bien.
24. Enfin, nous ne devons pas oublier ceux qui s’efforcent de suivre ce que l’Église demande et qui, avec courage, font le choix de ne pas se remarier pour rester fidèles à leur premier conjoint, au-delà de la séparation. Ceux qui donnent ce témoignage étonnant pour le plus grand nombre, sont plus nombreux que nous le pensons. Notre façon d’accueillir ceux qui font le choix de se remarier et de répondre à leur souhait de prière ne doit pas les blesser.
3. Proposer
En tenant compte de tout cela, nous pouvons répondre à cette demande de « prière » qui nous est faite, à condition de nous donner le repère suivant : éviter toute ambiguïté entre ce que nous proposerons et le rituel du sacrement de mariage. La prière demandée « ne peut pas prendre la forme d’une célébration qui présenterait les signes extérieurs d’un mariage sacramentel »(1) C’est une prière privée, amicale et familiale.Cette disposition entraîne des conséquences :
31. Sur le vocabulaire : on parlera d’un « temps de prière » ; on évitera de parler de « célébration ».
32. Sur le contenu du faire-part : on demandera qu'il n’annonce que le mariage civil. On pourra y joindre une invitation au temps de prière à l’attention des seuls invités dont on sait qu’ils seront heureux d’y participer.
33. Sur le moment de la prière.
– Le mieux est d’envisager pour ce temps de prière un autre jour que celui du remariage civil. On pourrait même le prévoir longtemps après, comme la suite d'un temps de maturation et de probation. Avec un accompagnement pour préparer le moment de prière souhaité dans une plus grande vérité.
– Cela n’est pas toujours possible. « Le jour même du remariage à la mairie » est la demande qui nous est le plus souvent faite. On en voit bien les raisons : « les familles sont là... ». Il est alors nécessaire de vivre le temps de prière avant le passage à la mairie ; cela permet d’ailleurs de ne le vivre qu’avec ceux et celles qui veulent vraiment prier ce jour-là.
34. Sur le lieu de la prière : c’est sans doute la question la plus sensible ; le couple souhaite l’église paroissiale, comme pour le mariage. Il faudrait ne l'accepter que de manière exceptionnelle, surtout en faveur des plus pauvres, lorsqu'il y a de leur part incompréhension totale, situation de blocage et risque de rupture définitive avec l'Église. Pour éviter les confusions dommageables, et garder à cette prière son caractère privé, amical et familial, on proposera toujours un autre lieu, un oratoire peut-être, une salle paroissiale, voire un domicile familial. On aura soin, bien sûr, de faire en sorte que ce lieu soit le plus accueillant possible.
35. Sur la forme.
– On évitera tout cortège et... les cloches, qui sont le signe d'une convocation publique.
– Si possible, on privilégiera pour l’assemblée la disposition « en cercle ».
– Celui ou celle qui conduira la prière (il est possible que ce soit un ami proche, un laïc), se placera à côté des futurs conjoints.
– S’il est prêtre ou diacre, il ne portera pas de vêtements liturgiques.
– Il n’y aura ni « échanges de consentements », ni « bénédiction et échange d’alliances », ni « bénédiction nuptiale », ni « signatures ».
Moyennant quoi, un temps de prière peut être très vrai et très beau :
4. Donner suite.
41. Nous avons le devoir de tout faire pour que les nombreuses personnes divorcées remariées aient leur place dans la vie de la communauté. Quelque échec ou quelque épreuve qu’il ait connu, un baptisé-confirmé a toujours sa place et sa mission dans sa communauté d’Église. Avec ses frères et sœurs dans la foi, il participe aux activités caritatives de l’Église, à ses mouvements apostoliques, à l’animation catéchétique, aux rencontres de prières, et même pénitentielles. Nous devons donc veiller à ce que ces communautés soient accueillantes à toutes ces personnes. Malheureusement, elles ne le sont pas toujours.
42. Lors de la messe, un certain nombre de personnes divorcées remariées comprennent profondément pourquoi elles ne doivent pas manquer à la pratique fidèle du dimanche et pourquoi l’Église leur demande de ne pas communier du fait même de leur remariage : celui-ci inscrit publiquement et durablement une rupture d’Alliance sacramentelle (Jean-Paul II – Familiaris Consortio, n° 84). Leur « communion de désir », et celle qu’elles peuvent manifester par leur charité dans la vie de tous les jours, peuvent être plus vraies aux yeux de Dieu que de nombreuses communions trop automatiques et peu préparées. Certaines personnes divorcées-remariées font le choix de s’approcher du ministre qui donne la communion en gardant les bras croisés, simplement pour être bénis. D’autres restent à leur place. Dans l’un et l’autre cas, le seul fait de ne pas communier peut inviter ceux qui communient, peut-être trop facilement, à s’interroger sur le sens de leur démarche, à leur rappeler les dimensions de la grâce qu’ils reçoivent, ainsi que la solidarité qu’ils doivent avoir avec ceux qui ne la reçoivent pas de la même manière qu’eux.
43. Malgré la demande fondée de l'Église, des personnes divorcées remariées viennent communier. C'est un fait. Dans la plupart des cas, le célébrant ne les connaît pas. S'il les connaît, il lui paraît odieux de les renvoyer publiquement. Dans ce cas, l'attitude pastorale la meilleure consiste à leur expliquer fraternellement, dès que possible, le sens et les enjeux de la position de l'Église (cf. § 21-22-23-24-42) et de les inviter modestement à se poser en conscience un certain nombre de questions : "Suis-je en haine vis à vis de mon premier conjoint ? Comment ai-je vécu la procédure de justice civile ? En toute vérité ou non ? Suis-je fidèle et juste quant à la pension alimentaire et à la garde des enfants ? Ai-je renoncé à me servir d'eux pour obtenir par eux des informations sur ce qui se vit chez celui ou celle dont je suis séparé(e)... ?" Il sera toujours bon de les mettre en contact avec l’un ou l’autre des membres de la commission diocésaine de Pastorale Familiale. C’est toujours « en Église » que l’on discerne mieux, en toute charité et vérité.
(1)Les Évêques de France – Lourdes 2002 – La Pastorale du Mariage ; orientation n° 9 –