Au delà du feuilleton quotidien des affaires, des rebondissements médiatiques, des séquences alliance rupture et ralliement, au delà de tout ce qui sent les fonds de poubelles, il y a le citoyen qui cherche à demeurer responsable, ce qui n’est pas si facile par les temps qui courent :
- Il se doit de regarder sérieusement le programme de chaque candidat.
- Viendra le moment où, dans le secret de l’isoloir, il choisira en son âme et conscience.
- Il n’attendra pas de son Église, s’il est chrétien, une consigne de vote : depuis longtemps les voix des baptisés se repartissent entre plusieurs partis.
- Il sera d’ailleurs tout à fait conscient qu’aucun d’entre eux ne peut revendiquer d’être fidèle en tout l’Evangile et à l’enseignement social de l’Église.
- Il votera donc pour le président qui lui semblera le meilleur pour servir ce qu’un pape appelait « la charité politique », dont il disait d’ailleurs qu’elle était la plus haute de ses formes.
- Il se sera préparé en lisant attentivement, avec d’autres si possible, le document des évêques membres du Conseil Permanent de notre conférence : « Dans un monde qui change retrouver le sens du politique » : [1] il est simple et court. Il s’adresse non pas aux seuls catholiques mais aux habitants de notre pays ; il supplie chaque électeur de ne pas se désintéresser de tout ce qui touche à la vie en société, à la dignité et à l’avenir de l’homme. Chacun y trouvera par ailleurs une belle réflexion sur une laïcité ouverte.
- Il aura tout intérêt à relire aussi les six repères donnés par les évêques de France en 1999 dans un autre document qui reste précieux : « réhabiliter la politique »[2].
- Le primat de la dignité de la personne humaine. Toute institution, toute société est au service de la promotion de l’homme, appelé à prendre la parole et à participer. « Le sabbat est pour l’homme et non l’homme pour le sabbat » (Évangile de Marc 2,27).
- L’attention toute particulière donnée au pauvre, au faible, à l’opprimé, vivantes images du Christ incarné : « Ce que vous faites à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous le faites » (Évangile de Matthieu 25,40). C’est la grandeur de la politique de reconnaître, d’intégrer et de promouvoir les plus démunis, les exclus et d’éradiquer les conditions d’existence déshumanisantes.
- Le pouvoir conçu comme un service, non comme une domination : « Que celui qui gouverne parmi vous se comporte comme celui qui sert »(Évangile de Luc 22,26).
- Le respect de l’adversaire : il a, lui aussi, sa part de vérité. L’Évangile nous invite même à aller au-delà : « Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs ; ainsi vous serez fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Évangile de Matthieu 5,44-45).
- L’ouverture de l’universalisme, notamment par le dépassement de tout nationalisme et de tout racisme. « Dieu ne fait pas de différence entre les hommes ; mais, quelque soit leur race, il accueille les hommes qui l’adorent et font ce qui est juste » (livre des Actes des apôtres 10,34-35).
- Le partage et la destination universelle des biens. « Si quelqu’un, jouissant des richesses du monde, voit son frère dans la nécessité et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui ? » (première lettre de Jean 3, 17) Dieu n’a t-il pas « destiné la terre et tout ce qu’elle renferme à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon les règles de la justice, inséparable de la charité[3] ? ».
+ François Garnier
Archevêque de Cambrai
[1] Conseil Permanent de la Conférence des Evêques de France : « Dans un monde qui change retrouver le sens du politique » édition BAYARD cerf MAME 2016.
[2] Commission Sociale de l’Épiscopat ; « Réhabiliter la politique »Déclarations de la Commission sociale, édition CENTURION Cerf FLEURUS-MAME 1999.
[3] Concile Vatican II. Constitution conciliaire Gaudium et spes. L’Église dans le monde de ce temps,69, §1.