La personne vulnérable, trésor d'humanité
À l'heure où vous recevrez ce numéro d'Eglise de Cambrai, Monsieur Jean Vannier animera notre retraite spirituelle à la ferme de Trosly. Il est le fondateur de l'Arche, cette magnifique
institution qui accueille des personnes handicapées adultes. À partir de ce village de l'Oise et depuis 1964, 135 communautés sont nées à travers le monde dont 26 en France. Le texte
suivant, signé des deux évêques qui les accompagnent est de toute première importance à l'heure où nos députés et sénateurs doivent, en conscience, réviser les lois touchant
à la bioéthique. Puisse notre pays s'honorer dans la défense de ces vies fragiles et dans la solidarité effective et généreuse avec leurs familles.
Quelle est notre attitude à l'égard des personnes les plus vulnérables ? La question se pose devant les deux propositions, du Comité Consultatif National d'Éthique et d'une loi sur l'euthanasie. D'une part, on étendrait la détection aux embryons humains atteints de la trisomie 21 pour ne pas les réimplanter dans le corps de la femme. D'autre part, on ouvrirait la voie à la suppression de personnes désirant ne plus vivre par une “aide active à mourir”. Ces deux propositions semblent s'appuyer sur une vision tronquée de la liberté. Actuellement, la sélection eugéniste et l'euthanasie sont interdites. Ces interdictions manifestent le respect de la dignité humaine intangible.
Les situations de handicap et de vieillesse sont complexes, souvent douloureuses, et ne se résolvent pas par des solutions simplistes. Elles font appel à la solidarité et cet appel est parfois un cri. Les citoyens l'ont entendu lors des États Généraux de la bioéthique en écrivant : "la maladie et le handicap n'altèrent pas l'humanité."
Reconnaître la dignité humaine des plus vulnérables passe par les interdits de l'eugénisme et de l'euthanasie. Il est indigne de l'homme et d'une société d'y consentir. Cela ne suffit pas. La dignité s'exprime aussi et surtout dans la solidarité effective.
Quelle est donc notre attitude devant nos frères et soeurs en humanité au début et en fin de leur vie ? Nous pensons à la générosité et au courage des parents accueillant leur enfant trisomique ou handicapé. Nous pensons aussi à l'engagement d'éducateurs et de bénévoles auprès de personnes handicapées. Avec eux, nous sommes témoins de l'épreuve que celles-ci ont à porter, mais aussi du bonheur auquel chacune arrive par le chemin qui lui est propre. Nous reviennent aussi en mémoire les visages de personnes âgées qui, dans la diminution de leurs forces et parfois dans la maladie et le handicap, construisent jour après jour leur projet de vie. Nous pensons à celles et ceux travaillant â leur côté pour créer les espaces où chacune vivra à son rythme, trouvant ou retrouvant le bonheur de vivre. Nous pensons aussi aux équipes médicales engagées dans les soins palliatifs qui sont à promouvoir.
Chaque personne vulnérable est un trésor d'humanité, pourvu qu'elle soit accueillie pour elle-même. La vulnérabilité fait peut-être peur. Elle sollicite tant de ressources d'humanité ! Les personnes vulnérables ont besoin de relations emplies de respect, d'écoute, de patience, de temps, etc. Devant l'impuissance ressentie, certains proposent de les supprimer, N'est-ce pas une insulte à leurs parents et aux personnes engagées auprès d'elles ? Si ces suppressions devenaient légales, ne remettraient-elles pas en cause le principe de solidarité qui fait vivre
nos communautés humaines ?
Face à ces propositions, comme une insurrection silencieuse et éloquente, se dresse l'action, ample, humble et fidèle de ceux et celles qui aiment les personnes handicapées ou âgées, et dont l'amour ne se paye pas de mot. Leur solidarité n'est pas une théorie. Elle exprime le sursaut de la dignité humaine consciente d'elle-même. Elle manifeste l'authentique compassion, ingénieuse pour ouvrir les chemins de vie adaptés à chacun. Elle est une force qui se propose
à ceux qui blessent leur propre dignité en blessant l'humanité. Puissent ceux-là écouter cette force amie, si vive en notre société, et l'encourager.
Mgr Pierre d'Ornellas, archevêque de Rennes,
accompagnateur de l'Arche* Internationale
Mgr Jean-Paul James, évêque de Nantes,
accompagnateur de l'Arche* en France