La caricature indigne
Le plupart des journaux écrits ou télévisés[1] ont matraqué une fois de plus le pape Benoît XVI, dès la parution de l'Exhortation post-synodale sur l'Eucharistie. Il réaffirmerait une ligne traditionaliste "sur toutes les questions qui agitent l'Église catholique" [2] : "oui au latin, oui au chant grégorien ; non au mariage des prêtres et non aux personnes divorcées-remariées qui veulent communier"… Un tel jugement vire à la caricature indigne.
– Du latin, il n'en est question qu'au n° 62 (sur 97), pour le recommander en particulier aux célébrations qui ont lieu "durant des rencontres internationales". Il n'y a pas de quoi fouetter un chat.
– Du chant grégorien, le pape dit que les pères synodaux (près de 250 évêques du monde entier) ont demandé qu'il soit "valorisé de manière appropriée" (n° 43). On les comprend très bien !
– Sur le mariage des prêtres, expression malheureuse en soi, puisqu'en tout état de cause, il ne pourrait s'agir que de l'ordination sacerdotale d'hommes mariés, le pape ne fait que rappeler ce qu'ont dit et redit ses prédécesseurs, dont le pape Jean-Paul II.
Il s'agit tout simplement, et même si ça n'est pas simple, de choisir l'état de vie qu'a choisi le Christ lui-même : le célibat est "conformation particulière au style de vie du Christ lui-même… identification au cœur du Christ-Epoux qui donne sa vie pour son Epouse…" (n° 24).
– Enfin, lorsque Benoît XVI évoque la situation des personnes divorcées-remariées (n° 29), il évoque leurs "situations douloureuses", un "problème pastoral complexe"… Il en appelle au discernement des pasteurs pour "aider spirituellement de la façon la plus appropriée les fidèles concernés…" Il n'a rien d'un pape "intraitable", ainsi que je l'ai lu et entendu.
Moyennant quoi,
§ rien n'est dit de l'essentiel de ce texte ; de son plan lumineux : l'Eucharistie ? Un mystère à CROIRE, un mystère à CÉLÉBRER, un mystère à VIVRE. Parce que détachés l'un de l'autre, les trois pôles deviennent fous ;
§ rien n'est dit de la fidélité parfaite de ce texte à la réforme voulue par le Concile Vatican II, réforme encore à accueillir et à vivre plus fidèlement. Il n'y a pas une seule fois le mot "intégrisme", ni même celui de "traditionalisme", mais un appel à retrouver le goût des sources et des sommets, par l'accueil de Celui qui ne cesse pas de nous réapprendre à aimer ;
§ rien n'est dit de la fidélité avec laquelle le Saint Père a donné suite au cinquante propositions de ses frères évêques réunis en synode.
Nous avons une belle exhortation à lire attentivement et à recevoir humblement, surtout en ce qu'elle nous dérange. Pouvons-nous compter les uns sur les autres pour le faire ? Je le souhaite de tout cœur.
X François GARNIER