Avec Benoît XVI,
au-delà d'une polémique
Lettre aux amis musulmans de notre diocèse
Chers Amis,
Nous nous rencontrons. Nous apprenons à nous estimer. Nous démolissons entre nous les murs de la défiance et de la peur. Mais, chaque jour, nous souffrons sans doute ensemble de ce que nous voyons et entendons à la télévision : des violences qui peuvent être monstrueuses ont été, se passent ou sont promises au nom d'Allah ; des chefs islamistes annoncent des attentats en France, et traitent de "croisés" les soldats de la paix qu'elle envoie au Liban ; ici on attaque des églises et là on tue une religieuse.
Dans ce climat, comment comprendre ce qu'a voulu dire Benoît XVI devant les universitaires de Ratisbonne, sans nous laisser gagner par les polémiques ? Une conviction très simple et toujours oubliée : tout se détraque dans le monde lorsque se dénouent la foi et la raison.
Le Pape Benoît XVI, croyez-moi, n'oublie sans doute pas qu'au sein même de notre Église, nous avons pu, dans l'Histoire, les séparer : il a travaillé pour Jean-Paul II ; avec lui, il a demandé pardon pour tout ce que notre Église a vécu et vit encore d'infidélités à l'Évangile de Jésus. Mais il affirme le lien indissoluble qu'il doit y avoir entre foi et raison !
Car, déliées l'une de l'autre, les risques sont immenses : la raison sans la foi, c'est la prétention orgueilleuse des pouvoirs et des sciences qui rejettent Dieu dans les ténèbres privées de l'obscurantisme ; la foi sans la raison, c'est la source la plus sûre de toutes les folies possibles dans quelque religion que ce soit : sous le prétexte d'obéir aveuglément à une volonté lointaine que l'on croit divine, on peut en arriver à pratiquer toutes les violences contre les autres et même contre soi-même, en allant jusqu'à organiser des suicides collectifs ou la mort d'innocents au prix de sa propre vie.
Nous devrions tous, comme croyants, servir ce lien étroit entre la foi et la raison, afin de guérir les pouvoirs et les sciences de leurs prétentions orgueilleuses et les religions de toutes leurs folies possibles.
De tout cœur,
François GARNIER
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Archevêque de Cambrai