A JÉRUSALEM
Dans la splendeur du soleil levant.
Pâques 2006
Au-delà de la vallée du Cédron, la mosquée d'Omar éclate en majesté. L'octogone de faïences bleues et vertes, coiffé de son dôme d'or, attire immanquablement le regard. Il faut beaucoup plus d'attention pour découvrir les dômes gris du Saint-Sépulcre que les chrétiens d'Orient appellent plus heureusement la basilique de "l'Anastasis", c'est-à-dire du "surgissement". Elle protège tout à la fois le lieu de la crucifixion et celui de la tombe vide. Tous les archéologues, croyants ou incroyants, vous diront que ces lieux sont d'ailleurs les plus fiables. Ils ne savent pas bien localiser certains lieux saints de Nazareth, Cana, le mont des Béatitudes, ou le Thabor de la Transfiguration. Ils ne savent pas clairement où se trouvait le Cénacle, lieu du dernier repas de Jésus avec les Douze, ni même le jardin des Oliviers. Il n'en est pas de même avec le lieu de la Croix et celui de la Tombe : ils sont attestés tous deux de façon très précise, pour une raison finalement très drôle : en effet, pour éloigner les premiers chrétiens qui en firent très vite des lieux de pèlerinage, l'empereur romain Hadrien les fit raser au second siècle pour les couvrir de deux temples païens. Il ne se doutait pas que, ce faisant, il mettait en mémoire leur emplacement précis : à l'époque de Constantin et de la fin des persécutions contre les chrétiens, au début du IVe siècle, il suffirait de détruire les temples pour retrouver l'emplacement des lieux les plus saints et les protéger par une très belle basilique byzantine… Curieux retour de l'histoire ! En voulant effacer les lieux saints chrétiens, le paganisme les avait préservés !
… Dans ce lieu précis de l'espace, en une seconde singulière du temps, un événement définitivement unique dans l'histoire des hommes s'est produit : une tombe s'est vidée. La mort, cette vieille "camarde" qu'a chantée Brassens, n'est pas faite pour triompher. "Il est ressuscité". L'événement bouleverse encore les croyants d'aujourd'hui comme il bouleversa les premiers témoins : Marie-Madeleine en tout premier, la prostituée qui ne fut respectée que par Lui, et une autre Marie, mère de Jacques, "toutes tremblantes et joyeuses", on les comprend (Mt 28, 8). Jean, le disciple que Jésus aimait ; sa foi ne tarde pas : "Il vit et il crut" (Jn 20, 8). Pierre, qui dans son bonheur doit réaliser l'énormité de son reniement à l'heure des risques : "Non, je vous le jure, je ne connais pas cet homme" (Mt 26, 74). Thomas, le résistant à croire : "Si je ne mets le doigt dans la marque des clous, si je ne mets la main dans son côté, non, je ne croirai pas" (Jn 20, 25). Les deux disciples d'Emmaüs aux yeux trop lourds de larmes pour le reconnaître vite (Lc 24, 16).
X François GARNIER
Archevêque de Cambrai