"Ça sent le sapin"…
Un seul vœu pour 2005
L'année qui s'ouvre sera celle du centenaire de la loi du 9 décembre 1905, que l'on appelle communément la loi de la séparation de l'Église et de l'État.
Quelques vieux crocodiles – puisqu'il en reste et qu'on les craint – la comprennent encore comme l'urgence de cloîtrer à jamais le religieux dans l'espace privé. "Si tu es encore croyant, c'est ton affaire", mais surtout, "cache-moi ce sein que je ne saurais voir". On n'ose pas imaginer ces zélés défenseurs d'une laïcité étriquée faisant disparaître de l'espace public, sous le prétexte d'une neutralité chimiquement pure, tous les signes de la foi, des clochers de cathédrales aux cathédrales elles-mêmes (on l'a déjà fait à Cambrai), des chapelles aux calvaires ; triste retour aux heures les plus folles de la Révolution française.
Pourtant, quand on apprend l'histoire du malheureux sapin de Noël refoulé de l'entrée d'un collège sur ordre du proviseur, parce qu'il est un signe ostensiblement chrétien, on croit faire un cauchemar. Je pense à Marcel Pagnol qui, quelque part – je cite de mémoire –, dit d'un sot qu'il "s'empara des bornes de la couillonnade et se mit à courir pour agrandir son domaine !" Il m'est venu à l'idée d'inviter ce malheureux proviseur – qui ne m'en voudra pas, je l'espère – à un bon repas où lui seraient servis tour à tour quelques coquilles Saint Jacques, un bon Saint Pierre (avec du Saint Véran), un Saint Nectaire (avec un Saint Émilion), et pour finir, un Saint Honoré arrosé de Lacrima Christi. Mais là, je manque à la charité et lui demande pardon.
Soyons plus sérieux : la foi de ceux qui la vivent pour de vrai trouvent, dans le puits sans fond de l'amour de leur Dieu, le courage de servir le monde, de telle manière qu'"amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent" (Ps 84). Ils font du bien, beaucoup de bien, et même le plus grand bien à notre société. S'ils portent leur croix, ils la portent plus sur leurs épaules qu'à leur cou. Ils peinent pour durer dans l'amour, amour encore, amour toujours, amour quand même. Ils vont jusqu'à l'amour de ceux qui les agressent. Ils savent que l'amour seul est digne de foi.
Dans l'Église, nul d'entre nous n'est parfait, moi le premier. Mais l'Amour reçu du corps et du sang de Jésus est à offrir à tous ; comment pourrions-nous ne le garder que pour nous ? Il n'y a pas prosélytisme quand on ouvre à chacun, respectueusement, le chemin vers Celui qui nous aime et nous apprend à aimer mieux… et cet apprentissage est plus important que tous les diplômes du monde. Mon seul vœu est que tous le comprennent.
@
Archevêque de Cambrai
N.B. : je ne savais rien du drame de l'Asie
lorsque j'ai écrit ce vœu pour 2005. Un pre-
mier vœu s'impose, celui d'être solidaire
"pour de vrai".