Chères sœurs,
1863 … il y a 150 ans … la terre tourne comme toujours plus ou moins bien. En Pologne, une insurrection est réprimée par les russes ; Madagascar se donne une reine ; une guerre civile éclate en Afghanistan ; la France occupe Mexico ; on abolit l'esclavage en Guyane hollandaise ; le phylloxéra ravage pour 20 ans le vignoble français ; on achève la ligne ferroviaire Paris-Brest ; c'est la fondation du Crédit Lyonnais ; Manet peint "Le déjeuner sur l'herbe" tandis qu'Ernest Renan termine le 1er volume de la vie de Jésus…
La même année, sans tambour ni trompette, les petites sœurs des pauvres arrivent à Cambrai !! 1863. 2 ans après les apparitions de Lourdes ; leur fondatrice, Jeanne Jugan, a 71 ans ; elle mourra 16 ans plus tard ; à sa mort, 2400 petites sœurs seront au service de milliers d'aînés dans 177 "maisons".
A Toronto, en 1993, votre mère générale, mes chères sœurs, disait ceci :
"Ma seule richesse est l'expérience reçue des 17000 petites sœurs qui depuis la fondation, en 30 pays des 5 continents, ont accueilli avec amour et respect des personnes âgées pauvres, afin de les rendre heureuses et de les accompagner jusqu'au terme…"
Petites sœurs de tous les pays – de toutes les couleurs – Petites sœurs qui ne comptent pas les heures. Petites sœurs non embarrassées de grands bagages. Petites sœurs mobiles, discrètes, toujours actives… Nous avons de quoi rendre grâce aujourd'hui pour 150 ans de charité quotidienne…
Il y a 17 ans, j'avais la joie comme évêque de Luçon d'accueillir le Pape Jean Paul II en Vendée. Il avait voulu commencer son voyage pastoral en France par une grande heure de prière au pied de la tombe de Saint Louis Marie Grignion de Montfort, son maître spirituel. Il avait manifesté le désir de le faire avec des religieux(ses) de l'Ouest, notamment les pères Montfortains, les sœurs de La Sagesse et les frères de Saint Gabriel…
Je lui ai dit mot à mot ceci :
"Très Saint Père, notre bonheur le plus grand est de savoir que vous avez voulu, pour commencer votre visite pastorale en France, être entouré de ceux et celles qui ont choisi la vie consacrée notamment dans la vie religieuse. Ils vivent la difficile fraternité sans se choisir, cela n'est pas si simple. Ils trouvent leur richesse en choisissant la pauvreté. Ils aiment à plein cœur en choisissant le célibat. Ils deviennent libres en choisissant d'obéir au Christ. Ils nous provoquent, sans le dire, sur notre manière très mondaine de concevoir ce que nous appelons "la réussite"… Ils sont des boussoles discrètes dans un monde déboussolé.
Qu'on les regarde aujourd'hui, même s'ils ne sont plus très jeunes dans leur majorité…, ils sont sans nom, sans gloire… Serviteurs discrets de tous les jours, toujours les mêmes, sans grandeur autre que celle d'un bonheur à partager avec un cœur qui recommence chaque matin son espérance. Ils ne savent pas la pluie quotidienne de miracles ordinaires dont ils sont, grâce au Christ, la source. Ils tissent sans aucun bruit de l'amour simple à journée pleine".
Cela, je peux le redire aujourd'hui, remerciant le Christ pour chacune de vous, et le faisant au nom de tous ceux et celles que vous avez servis et servez encore.
Mille merci !
+ François Garnier
Archevêque de Cambrai