être enfin écoutés ?

A propos du "mariage pour tous" Edito du 10 janvier 2013

 

Etre enfin écoutés ?
A propos du "mariage pour tous"
 
 
 
Oui, je suis catholique mais je ne suis pas homophobe. J'ai des amis qui vivent en couple homosexuel et qui me font l'amitié de me confier leurs joies et leurs épreuves, leur foi aussi : foi éprouvée trop souvent par le regard moqueur ou accusateur qui les fait souffrir et qui peut venir des disciples du Christ, ce qui me scandalise.
 
Quoique évêque, je n'en demeure pas moins citoyen parmi les autres. Je ne suis pas encarté à quelque parti que ce soit. Je ne crois pas être un vieux catholique ringard, bourgeois de droite, en retard de plusieurs générations sur les jeunes militants incroyants de gauche. Je me situe plutôt, selon le bon mot du Cardinal Decourtray, un ch'ti qui fut autrefois mon évêque à Dijon, comme appartenant à "l'extrême centre" !
 
Dans cette affaire du "mariage pour tous" (malheureuse expression), je n'ai pas à défendre le sacrement du mariage ; ce n'est pas lui qui est en cause. Je continuerai avec mes frères prêtres et diacres de le célébrer avec ceux qui partagent ma foi et qui peuvent dire humblement qu'ils sont vraiment libres au moment de leur mariage, qu'ils ne subissent aucune contrainte, qu'ils vont prendre toutes les précautions pour construire une fidélité sans limite et qu'ils accueilleront la vie telle qu'elle est, quand elle viendra et comme elle viendra.
 
Je fais tout simplement partie de tous ceux et celles qui, croyants ou non, catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, bouddhistes ou athées, qu'ils soient de gauche, du centre ou de droite, essaient de faire comprendre à nos députés et sénateurs qu'ils n'ont pas à s'occuper de ce qui ne les regarde pas : c'est-à-dire de la qualité des sentiments qui peuvent exister entre les personnes. En revanche, j'aimerais qu'ils s'occupent le plus sérieusement du monde de l'institution devenue infiniment fragile qu'est le mariage civil entre un homme et une femme qui peuvent donner vie aux enfants c'est-à-dire aux citoyens de demain.
 
Certes nous devons tous, croyants ou non, respecter les personnes homosexuelles, telles qu'elles sont. A plus forte raison si l'on croit au Christ. A plus forte raison si l'on se rappelle le respect qu'il eut pour la femme au six maris et pour la femme prise en flagrant délit d'adultère. On peut interroger l'homosexualité et l'adultère en respectant toutes les personnes qui rencontrent ces situations de vie. C'est même ce qui écartèle les bras du Christ : le respect des personnes d'un côté et le questionnement de ce qu'elles vivent de l'autre. Tous, là encore à plus forte raison si nous sommes croyants, nous devons chercher humblement à aimer mieux, à aimer plus vrai : comment le faire à la manière splendide du Christ ? Quant au législateur, il devrait comprendre qu'il ne peut pas appeler du même mot, "mariage", deux institutions sociales aussi différentes que celle qui assure l'avenir du pays par le renouvellement des générations avec celle qui ne pourra jamais l'assurer.
 
Comme citoyen déjà, comme archevêque aussi, j'ai écrit aux députés et sénateurs résidant dans le diocèse de Cambrai. Et cela d'abord au nom de la raison. Espérant que, devant la gravité des nombreux enjeux que la brièveté de cet éditorial ne permet pas de rappeler, chacun d'eux ne craigne pas de voter en conscience et non pas sur une consigne de parti. J'ai fait ce que j'ai pu pour le leur dire, mais je comprends très bien qu'un grand nombre de citoyens de tous horizons manifestent dimanche, à Paris ou ailleurs, pour tenter humblement mais fermement d'être enfin écoutés.
 
 
 
François Garnier
Archevêque de Cambrai
 
 

Article publié par Michel LEMAIRE • Publié le Vendredi 11 janvier 2013 • 4707 visites

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