De la laïcité à la "laïcarderie" ?

Édito du 19 mars 2015

De la laïcité à la « laïcarderie » ?

Une dérive dangereuse

Un appel à la vigilance.

 

 

Le 10 mars dernier, Monseigneur Georges Pontier, Président de l’Assemblée plénière des évêques de France, a été entendu à l’Observatoire de la laïcité ; rappelons que cet observatoire assiste le gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité.

 

Il a rappelé que la loi de 1905 comprend la laïcité d’abord et avant tout comme le respect des familles spirituelles ; elle précise « le cadre législatif respectueux de la liberté de conscience, de la liberté religieuse est de celle de ne pas croire ».

 

Malheureusement, « l’Église catholique observe, déplore, regrette une forme de laïcisation de la société c’est à dire, la mise en œuvre du projet de cantonner l’expression des convictions religieuses des citoyens dans le seul espace privé, lequel devient de plus en plus circonscris… Cette laïcité est perçue comme agressive : elle met en cause un élément fondamental de l’identité de très nombreux français de toute confession. Elle suscite des résistances le plus souvent passives, silencieuses, mais non moins profondes, et parfois collectives à travers l’appartenance communautaire qui heurte la tradition française. »

 

Il est indéniable que les chrétiens souffrent dans le monde. Un livre vient de l’affirmer, le livre noir de la condition des chrétiens dans le monde, de Monseigneur Jean-Michel Di Falco, de Thimothy Radcliff, dominicain et de Andréa Ricardi. Ils affirment que le christianisme est la religion la plus persécutée dans le monde. Les baptisés souffrent aussi dans notre pays : je redonne la parole à Monseigneur Pontier : « Je crois que les débats de société sur le port ostentatoire de signes religieux, sur le mariage, sur la fin de vie, sur les crèches de Noël, sur le nom des fêtes religieuses, sur le travail du dimanche, bientôt sur les jours fériés ne sont pas des débats qui libèrent notre société d’une emprise illégitime et dangereuse des religions, mais au contraire qui suscitent en chacune d’elle la constitution de réflexes identitaires immaitrisables et qui peuvent être violents, surtout si on se sent stigmatisé et que le dialogue soit ressenti difficile ou absent… Il ne faut jamais oublier qu’on ne gagne rien à humilier une catégorie de citoyens, les membres d’une religion voire même le fait religieux. L’humiliation prépare à plus ou moins long terme des violences revanchardes redoutables… »

 

Je remercie Monseigneur Pontier d’avoir dit aussi clairement ce que pense un certain nombre de catholiques que je rencontre. Il ajoute : « une laïcisation de la société engendre un sentiment d’exclusion et de rejet qui produit l’inverse de ce qu’il recherche : la paix sociale et le vivre ensemble. » Et il ajoute « Oui, je puis vous le dire, beaucoup de croyants, beaucoup de jeunes chrétiens, sont lassés par l’image qui est donnée du christianisme et des chrétiens. Beaucoup de jeunes chrétiens subissent encore des moqueries, des réflexions à l’emporte pièces de la part d’enseignants bien éloignés de la laïcité demandée par l’État à ses fonctionnaires. La possibilité de créer des aumôneries en milieu scolaire s’est dégradée ou complexifiée. La possibilité d’obtenir des subventions pour des activités éducatives et de loisirs (camps de vacances et autres) est soumise à l’ouverture d’esprit de responsables administratifs. Le département religieux dans les bibliothèques ou les médiathèques offre souvent des ouvrages nullement fondamentaux et sans consistance. On pourrait rajouter à cette liste qui ne se veut pas accusatrice mais douloureuse. Nous savons que nous n’endoctrinons personne, nous savons que nous contribuons de manière multiple au vivre ensemble et à la fraternité. Nous savons que nous venons en aide à une partie de ceux qui sont le plus en difficulté dans la société. »

 

Songe-t-on à ce que serait notre société sans tous les baptisés qui donnent à journée pleine le meilleur d’eux-mêmes au service gratuit de tous ceux et celles qui souffrent le plus ?

 

Réalise-t-on suffisamment que, parce qu’ils ont lu l’Évangile et aiment le Christ, ils renoncent à toute revanche et toute violence ? Ils n’en sont pas moins lucides.

 

 

+ François Garnier

Archevêque de Cambrai

 

 

 

 

 

 

 

Article publié par Cathocambrai • Publié le Mardi 24 mars 2015 • 2972 visites

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