Fous, bien sûr, mais pourquoi ?

édito du 22 octobre 2015

Bien sûr ils sont fous, ces gamins de Palestine lanceurs de pierres, ou leurs grands frères armés de couteaux : on comprend pour les israéliens l’urgence de se défendre… Mais s’est-on posé la bonne et unique question ? D’où vient leur folie, leur désespérance, leur exaspération ? D’où vient le risque fou qu’ils prennent de mourir et qu’ils savent parfaitement ?

 

Tout vient sans aucun doute de presque soixante dix ans d’injustices accumulées qui ont privé leurs grands pères de leurs terres, de leurs villages et de leurs tombes ; qui ont conduit leurs pères de camps de réfugiés en camps de réfugiés ; qui ont réduit la Palestine dont ils rêvent en quelques confettis autour d’une demi douzaine d’agglomérations ; qui ont installé plus d’une centaine de colonies d’implantation où l’on ne peut pas vivre sans s’entourer de barbelés, sans se protéger par des miradors ; et enfin qui continuent de construire un mur infranchissable qui sépare en deux la plupart du temps les restes de leurs propriétés : je pense à ce qui se passe actuellement dans la vallée de Crémisan, tout près de Bethléem.

 

Alors comme amoureux de la Terre Sainte, comme infiniment respectueux des deux peuples, Israël et Palestine condamnés à vivre ensemble, je rêve d’un président en Israël qui aurait aujourd’hui le courage qu’eut Yitzhak Rabin, malheureusement assassiné par l’un des siens ; alors qu’il était premier ministre d’Israël, il fait un discours à la Maison Blanche à Washington, en septembre 1993 : « Laissez-moi vous dire, palestiniens, nous sommes destinés à vivre ensemble sur le même sol de la même terre »… « Nous vous disons aujourd’hui, d’une voix forte et claire : assez de sang et assez de larmes, assez »… « Nous souhaitons ouvrir un nouveau chapitre dans le douloureux livre de nos vies communes, un chapitre de reconnaissance mutuelle, de bon voisinage, de respect mutuel, de compréhension. Nous espérons embarquer dans une ère nouvelle de l’Histoire du Moyen Orient…».

 

 Il est certain que les fous des deux camps continueraient d’entraver l’avènement de la paix. Je pense alors à ce que Théo Klein, alors Président d’honneur du C.R.I.F (Conseil Représentatif des Institutions Juives en France) écrivait dans une lettre ouverte à Ariel Sharon, le 6 septembre 2001 : « Et le terrorisme me direz-vous ? Il ne peut être combattu, vous le savez, qu’à l’intérieur de chaque peuple, dès lors que celui-ci ne peut plus le considérer comme une forme de combat. Si le peuple le soutient, le terroriste devient un combattant ». Sous entendu, s’il ne le soutient plus, il n’est plus qu’un abominable terroriste.

 

Le rêve de Théo Klein allait encore plus loin : « le premier pas à franchir, celui qui est à la fois une nécessité historique mais sans doute avant tout un impératif moral c’est de reconnaître aux palestiniens la liberté de proclamer leur état. Il faut même aller plus loin et réclamer pour Israël le privilège d’être le premier état qui reconnaisse la légitimité de cet état de Palestine. » Cela fait rêver : c’était en 1993 et en 2001…

 

Dans quelques jours, avec une cinquantaine de diocésains, nous serons en Israël et en Palestine. Ce qu’ont dit ou écrit Yitzhak Rabin et Théo Klein sera sans aucun doute au cœur de ma prière, et je l’espère, de la vôtre.

 

+ François Garnier

Archevêque de Cambrai

 

 

Article publié par Cathocambrai • Publié le Mardi 27 octobre 2015 - 00h00 • 2220 visites

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