Fêlure – Fracture ?

Edito du 5 février 2009

Fêlure – Fracture ?

 

 

     Depuis une grande semaine, l'Église de France est questionnée, troublée, éprouvée par la levée de l'excommunication des quatre évêques ordonnés illicitement par Monseigneur Lefebvre. Je voudrais vous partager trois convictions.

 

1.     Personne ne pourra dire que le pape Benoît XVI n'aura pas tout fait pour éviter que la fêlure entre les frères intégristes et nous-mêmes devienne fracture. Le Saint Père a particulièrement la charge de notre unité. Il veut éviter ce que l'Église a vécu en 1054 – la fracture avec les Églises orthodoxes – et en 1517 – la fracture avec les Églises issues de la Réforme – Nous savons avec lui que les fractures n'en finissent pas de faire souffrir l'Église.

 

2.    Nous "osons" prier les mots même de la prière de Jésus. Et, avec Lui, nous disons "Pardonne-nous comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés…" Nous sommes lucides sur ce en quoi nous avons pu blesser les intégristes par les mises en œuvre trop souvent fantaisistes et maladroites de la réforme liturgique qui ont pu se multiplier avant la parution tardive des rituels. Mais, nous pouvons dire aussi que l'intégrisme a offensé l'Église : par la critique souvent blessante des papes, des évêques et des prêtres, par l'usage permanent de la dénonciation souvent calomnieuse et par des collusions politiques dont le négationnisme des chambres à gaz par Monseigneur Williamson n'est qu'un signe, mais oh combien scandaleux. Cela dit, c'est le pardon le plus difficile qui est le plus nécessaire. C'est le pardon qu'il offre à ceux qui le blessent et le tuent qui dit la sainteté du Christ.

 

3.    Le Saint Père, en levant l'excommunication, ne fait qu'ouvrir une porte. Il reste à nos frères intégristes de se décider à la franchir. Ensemble, il faudra prier et travailler, se remettre humblement à l'écoute de ce que l'Esprit-Saint nous a donné comme trésors au cours du Concile Vatican II : pour n'en citer que cinq :

 

1)    Le monde ? Il nous faut l'aimer, aussi pécheur soit-il : "Dieu a tant aimé le monde qu'Il a donné son Fils Unique… "(Jn 3, 16)

2)    L'Église ? Elle est à la fois "peuple de Dieu", "corps du Christ" et "temple de l'Esprit" – peuple où le pape et les évêques sont avec tous les baptisés d'humbles disciples – corps dont le Christ est la tête… et il n'est pas si simple d'essayer de l'être, par ordination, en son nom – temple où l'Esprit fait du neuf, dépoussière, surprend, dynamise…

3)    La Liturgie ? Elle est le temps et le lieu où le Seigneur nous remet en marche, nous donne sa Parole et son Corps "afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à Lui…" Elle est la route qui nous change et appelle notre vie à devenir "offrande à sa gloire… "

4)    L'œcuménisme ? Il n'est pas une matière à option, il est une mission à accomplir coûte que coûte, sans trahir en rien la vérité de la communion.

5)    Enfin la liberté religieuse? Elle n'a rien à voir avec l'indifférentisme ; elle est l'affirmation que "tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humains que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse, nul ne soit forcé d'agir contre sa conscience, ni empêché d'agir… selon sa conscience, en privé comme en public". (Dignitatis humanae, § 2)

 

     J'ai dit "trésors" : à mes yeux, ils le sont et le restent…

     Si je suis prêtre et évêque, c'est bien sûr grâce au Christ, oh, cela je le sais ! Mais les trésors du Concile Vatican II n'y sont pas pour rien.

 

Une porte est ouverte.

Un chemin de vérité est à prendre.

Qui peut dire, sur le fond, qu'il ne fallait pas l'offrir ?

 

 

X François GARNIER

Archevêque de Cambrai

Article publié par Secrétariat DIOCESAIN • Publié le Jeudi 05 février 2009 • 4717 visites

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