La bonne "greffe"

A Cambrai, 6 février 2011 En la Cathédrale Notre Dame de Grâce A l'occasion de la fusion de la Congrégation des Sœurs Augustines de Saint Amand avec la Congrégation des Sœurs Hospitalières du Sacré Cœur de Jésus. Homélie de Mgr François Garnier

 
 
En 1996, il y a 15 ans, je ne vous connaissais pas encore, chères Sœurs Augustines, alors que vous commenciez la longue route vers une union … une fusion … avec qui … longue route qui nous ressemble dans l'action de grâce aujourd'hui.
 
Pour l'évêque de Luçon que j'étais, 1996, c'était l'année de l'accueil du Pape Jean Paul II en Vendée ! Il avait voulu commencer son voyage pastoral en France en prière, à genoux devant la tombe de Saint Louis Marie Grignion de Montfort, son ami, entouré du plus grand nombre possible de religieux et religieuses de l'Ouest de la France. Pour l'accueillir je lui avais dit très exactement ceci :
 
            Très Saint Père, notre bonheur le plus grand est de savoir que vous avez voulu – pour commencer votre visite pastorale en France – être entouré de ceux et celles qui ont choisi la vie consacrée, notamment dans la vie religieuse. Ils vivent la difficile fraternité sans se choisir, cela n'est pas si simple. Ils trouvent leur richesse en choisissant la pauvreté. Ils aiment à plein cœur en choisissant le célibat. Ils deviennent libres en choisissant d'obéir au Christ. Ils nous provoquent, sans le dire, sur notre manière très mondaine et fragile de concevoir ce que nous appelons "la réussite". Ils nous aident sans le savoir à mieux vivre nos engagements, en pleine vie laïque ou dans les différents ministères que nous confie l'Église. Ils sont des "boussoles" discrètes dans un monde déboussolé.
 
            Qu'on les regarde aujourd'hui, même s'ils ne sont plus très jeunes dans leur majorité, qu'ils soient moines et moniales, ou frères et sœurs en mission apostolique, ou encore membres d'instituts séculiers, ils sont sans nom, sans gloire. Religieux et religieuses de tous les jours. Serviteurs discrets de tous les jours, toujours les mêmes, sans grandeur autre que celle d'un bonheur à partager avec un cœur qui recommence chaque matin son espérance.
 
            Ils ne savent pas la pluie quotidienne de miracles ordinaires dont ils sont, grâce au Christ, la source.
 
            Ils tissent, sans aucun bruit, de l'amour simple à journée pleine. Avec leurs limites bien sûr. Mais, finalement si peu. Avec leur foi, ils rendent un immense service, gratuitement, fidèlement, jour après jour et auprès de tous, croyants ou incroyants.
 
            Merci Très Saint Père, d'avoir voulu être au milieu d'eux, au milieu d'elles. Il fallait bien un jour leur donner la première place, ils ne la prennent jamais.
 
Tout cela, je peux le redire aujourd'hui, 15 ans après, plus que jamais. Je peux le redire, chères Sœurs Augustines, en vous voyant vivre à Saint Amand, à la clinique Sainte Marie et à la Maison Saint Jean-Marie Vianney à Cambrai, à Bruay, à Bazuel, sans oublier bien sûr Dapaong et Korbongou au Togo, ainsi que Koudougou au Burkina Faso.
Tout cela je peux le redire aussi avec tous ceux et celles qui vous connaissent et qui vous aiment depuis plus longtemps que moi, et qui savent ce que vous avez vécu à Lille, Comines et Seclin.
Tout cela, je peux sans doute le dire aussi des Sœurs Hospitalières du Sacré Cœur de Jésus qui vous accueillent aujourd'hui dans leur grande famille.
 
Vous savez, Chères Sœurs, que je n'aime pas beaucoup le mot "fusion" dont le dictionnaire Larousse qu'elle est "le passage d'un corps solide à l'état liquide" … avant d'ajouter qu'elle peut être aussi "la réunion en un seul groupe de divers éléments distincts". Au mot "fusion", je préfère le mot "greffe", depuis que j'ai profité pendant des années d'un cerisier deux fois greffé qui nous donnait à chaque printemps et tour à tour, trois sortes de cerises aux goûts différents, les premières très rouges, les secondes orange et les troisièmes de couloir ivoire ! J'aime le mot "greffe" parce qu'il dit en quoi vos deux familles religieuses vont s'enrichir l'une et l'autre de leur communion spirituelle. Bien sûr, l'une des deux est toute petite par rapport à l'autre, mais elle est un beau greffon : un beau greffon qui a accepté d'être coupé de sa branche, de son tronc, quelques souffrances que chaque sœur ait dû dépasser, et Dieu sait qu'il y en eut ; un beau greffon qui va recevoir une nouvelle force venue des racines que sont le Christ et d'un tronc plus solide qui est celui de nos Sœurs Hospitalières du Cœur de Jésus ; un beau greffon qui va donner de nouveaux fruits au nouvel arbre auquel il s'attache.
 
Des fruits à partager ? Il y en a déjà beaucoup ! Pour vous, Chères Sœurs Augustines, un beau fruit sera la découverte de Saint Benoît Menni, de Marìa Josefa Recio et de Marìa Angustias Gimènez, le fondateur et les fondatrices des Sœurs Hospitalières, il y a 130 ans. Parmi les fruits pour vous, il y aura la découverte d'une très grande famille spirituelle présente dans 25 pays du monde, dans 4 des 5 continents de notre planète ! Et tout cela pour servir les malades, notamment et en priorité tous ceux qui souffrent de graves handicaps mentaux.
 
Et pour vous, Chères Sœurs Hospitalières du Sacré Cœur de Jésus, il y aura aussi de nouveaux fruits à partager, entre autres la redécouverte de Saint Augustin et de sa spiritualité, si bien résumée dans ce texte qui est de lui et qui est notre prière d'aujourd'hui :
 
            De toutes mes forces -             Celles que tu m'as données, -  Je T'ai cherché.
            Mon Dieu, - Accorde-moi de n'être jamais las - De Te chercher ; - Qu'avec passion, sans cesse, - Je cherche Ton visage.
            Toi qui m'as donné de Te trouver, - Donne-moi le courage - De Te chercher encore, - Et d'espérer te trouver toujours davantage.
            Devant toi ma solidité : garde-la. - Devant Toi ma fragilité : guéris-la.
            Accorde-moi de ne pas t'oublier. - Accorde-moi de te comprendre.- Mon Dieu, mon seigneur, -             Accorde-moi de T'aimer.
("La Trinité" 15, 28-51)
 
Et puis, comme autres fruits, vous aurez aussi à découvrir ce que font aujourd'hui les Sœurs Augustines pour sauver tout l'Esprit Saint qu'elles peuvent sauver dans leurs structures hospitalières en les arrimant notamment à l'Université Catholique de Lille ! J'insiste sur ce point, car il faut être courageux pour lutter contre une très grande financiarisation des soins. Enfin, un autre fruit, vous verrez ce que les Sœurs que vous accueillez inventent avec leurs forces faibles pour servir en Afrique, au Togo, non seulement les trop nombreuses familles dont les enfants sont sur "le chemin de la mort" mais aussi le plus grand nombre possible de malades porteurs du sida.
 
 
 
L'Évangile d'aujourd'hui nous a confié la mission d'être sel et lumière dans le monde au nom de Jésus. Sel plein de ce goût unique que nous donne l'Évangile. Lumière qui ne se cache pas, qui illumine au grand jour et qui "jaillit comme l'aurore". Sel discret et Lumière intense. Rendons grâce au Christ pour votre communion. Elle donne goût au sel et éclat à la lumière. En vous enrichissant vous-mêmes, votre communion nous enrichit nous tous.
 
 
 
 
X François Garnier
Archevêque de Cambrai
 

Article publié par Cathocambrai • Publié le Dimanche 13 mars 2011 • 3990 visites

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