Mais pourquoi donc jeûner ?
On peut choisir de jeûner pour "retrouver la ligne"… bof !
On peut aussi choisir de le faire pour redevenir libres ; libres devant l'abus de télévision, d'Internet, de tabac, d'alcool, de drogues ou de jeux : c'est déjà plus difficile.
On peut encore choisir, avec Saint Augustin, de "faire le jeûne de nos disputes". Chacun, en développant l'idée de ce grand saint, choisira le jeûne des critiques systématiques, ou celui des médisances blessantes et des calomnies qui tuent… bref, le jeûne des péchés de la langue, dont l'apôtre Saint Jacques nous dit dans son épître qu'elle peut être "un feu", un "fléau sans repos", remplie qu'elle est trop souvent d'un "venin mortel"… (Jc 4, 6-8). C'est encore plus difficile !
On peut enfin choisir le jeûne le plus sûr. Celui qui ne se paye ni de mots ni de ces bonnes intentions dont l'enfer est pavé. Celui qui se transforme immédiatement en charité effective. Il s'agit de vivre le plus sobrement possible, de calculer les économies réalisées et d'en offrir très exactement la valeur à plus pauvres que soi. Et pour cela, de faire confiance aux organismes fiables de notre Église qui savent mieux que nous l'ordre des urgences à financer.
Saint Léon le Grand (pape de 440 à 461) est parfaitement clair sur la justesse de ce jeûne : "Ce que vous aurez retranché de votre ordinaire par une sainte économie, transformez-le en aliments pour les pauvres…" (Sermon 89). Ou encore : "Mettons de côté un peu de notre nourriture, afin que nos aumônes s'accroissent de ce dont nos tables auront été privées : c'est alors seulement que le remède du jeûne assure la guérison de l'âme, quand l'abstinence de celui qui jeûne restaure la faim du pauvre" (Sermon 70).
Quant à Saint Grégoire le Grand (pape de 590 à 604), il est encore plus incisif : "La terre est commune à tous les hommes et, par conséquent, elle offre à tous en commun de quoi les nourrir : … Ils vont de meurtre en meurtre ceux qui cachent chez eux ce qui pourrait nourrir des pauvres en train de mourir. Quand nous procurons le nécessaire à des indigents, nous leur rendons ce qui est leur bien, nous ne faisons pas largesse du nôtre ; nous acquittons une dette plus que nous n'accomplissons une œuvre de miséricorde…" (Règle pastorale 3, 20-21).
Bon Carême !
X François GARNIER
Archevêque de Cambrai